La hache des sapeurs

Recettes pour les sapeurs : la hache en laiton

Comme vous le savez certainement, les acteurs de gougnies.be affectionnent tout particulièrement les bonnes recettes du pays.
Alors, enfants de la campagne gougnacienne, marcheurs de surcroît, vous apprécierez sans aucun doute celles que ce dossier vous raconte et qui évoquent de savoureux souvenirs.

1. Petite histoire de la hache de sapeur de Gougnies

Si ses origines sont imprégnées de l’influence du 1er empire, la hache de Gougnies a cependant suivi l’évolution folklorique de nos marches. Celles-ci, nous en sommes bien conscients, ne sont pas des reconstitutions napoléoniennes, mais bien des escortes en uniformes de processions religieuses. Elles s’inscrivent ainsi dans le patrimoine culturel et folklorique de notre terroir.

Avant la guerre de 40-45, la compagnie de Gougnies comptait traditionnellement 12 sapeurs qui disposaient de leur hache personnelle en « bwès d’pouye », ainsi appelée parce que le manche était confectionné dans du bois naturellement strié qui servait à fabriquer des perchoirs pour les poules. Les sapeurs de l’époque avaient ainsi leur arme parfaitement en mains.

Photos coll. Jean Marcelle et Pierre Barbiaux. Les 12 sapeurs avec leur hache en bwès d'pouye, 1938.

Dans les années 50, la compagnie grandit et le peloton des sapeurs n’échappe pas à cette évolution. Dans un souci d’uniformité, un des leurs, Albert HAUTECOURT, entreprend la fabrications de haches chromées. Celles-ci, après une vingtaine d’années de bons et loyaux services, finissent également par se dégrader et beaucoup disparaissent.

Haches chromées dans les années 70. Photo coll. Jean Marcelle

Albert se remet au travail. Il prend alors comme modèle une hache ayant appartenu à Hubert DOUILLET et ayant marché à Gougnies avant la première guerre. Elle est datée de 1913 et ressort au sein de la compagnie dans les mains du petit-fils du premier, Hubert DOUILLET de Tamines. Depuis la disparition de celui-ci, cette hache participe chaque année à la Sainte-Rolende, portée par les descendants de la famille.

Albert HAUTECOURT 1973. Coll. Bernard Gillain)

Après la disparition d’Albert HAUTECOURT, c’est Gilbert TONDUS qui prend la relève. De son côté, Joseph BAUFAYT fabrique une trentaine de haches pour la compagnie afin que tous les sapeurs disposent du même matériel.

Les haches actuelles. Photo Christine Lardinois.


Cette idée d’uniformité fait des émules car d’autres compagnies telles que Villers-Poterie (en 1984), Fromiée ou Oret adoptent le même principe. A l’occasion de chacune de ces démarches, les responsables manifestent le souci de disposer d’un modèle de hache propre à sa compagnie et d’arborer ainsi le fruit du travail d’artisans amoureux de notre beau folklore.

2. Première recette, relativement bon marché avec résultat honorable
MATERIEL :

– Tôle de laiton épaisseur 2 mm.
– Tubes de laiton diam. 28/26 long. 170 mm pour la hache et 120 mm pour le manche.
– Manche de bois diam. 29 que l’on peut trouver dans les magasins de bricolage. Il existe également des manches diam. 22 pour les petites haches.
– Une scie à métaux.
– Un braquet (scie à bois).
– Une lime demi-ronde.
– Une fine lime.
– Un cutter.
– Une pointe à tracer.
– Une scie sauteuse ou une lame de scie ronde pour découper la lame de la hache.
– Un fin marqueur.
– Un tube de silicone ou (de préférence) du mastic de carrosserie.
– Du thinner cellulosique.
– De la teinture Sikkens et du vernis ébéniste.
– Une bouteille de rosé bien frais.

AU TRAVAIL :

Pour commencer, il faut amincir les deux extrémités du manche en bois (longueur environ 800) de façon à pouvoir l’introduire dans les tubes en laiton et en prévoyant suffisamment d’aisance pour le mastic destiné au collage.

Ensuite, on fend la partie supérieure du manche pour pouvoir y faire glisser la lame de la hache jusqu’à 30 mm de l’embase.

C’est maintenant le moment de poncer le manche prêt à être monté et le peindre d’une couche de Sikkens HLS, de 2 couches de Sikkens filter 7 marron et d’une couche de vernis ébéniste.

Ensuite, il faut découper la lame de la hache à la scie sauteuse. Attention, il est nécessaire de glisser une feuille de caoutchouc sous la plaque de la scie sauteuse pour éviter de marquer la tôle en laiton avec les copeaux de sciage. Cette opération terminée, on peut polir le chant de la hache avec une lime demi-ronde ou une meule en émeri montée sur une foreuse et y pratiquer ensuite 4 entailles sur 30 mm de profondeur.

On peut maintenant couper le tube en laiton de 170 en deux, en veillant à ce que la coupure soit bien perpendiculaire. L’idéal pour cette opération est l’utilisation d’un coupe-tubes. Sinon, on peut utiliser une scie à métaux après avoir tracé soigneusement la découpe. On fend ensuite les deux parties du tube sur 25 mm.

La hache est maintenant prête à être montée. Il reste à préparer le mastic de carrosserie, d’en enduire les parties à emboîter et d’assembler la hache. Attention, le mastic durcit en très peu de temps et il faut essuyer sans tarder les surplus avec du thinner cellulosique. Pour assembler le bas du manche, il faut procéder de la même manière.
Une fois le mastic durci, il suffit d’assurer la finition en ponçant les bouts du manche et éventuellement en les peignant en doré.

Vous pouvez maintenant boire un coup de rosé bien frais.

3. Seconde recette, plus sophistiquée, plus onéreuse, mais avec résultat impeccable
MATERIEL :

Voir la liste dans la première recette à laquelle il faut ajouter :
– Une disqueuse diam. 125 ou 115.
– Disques à découper ép. 1 mm.
– Une cisaille à tôles.
– Un chalumeau oxhydrique.
– Des baguettes d’argent enrobées.
– Une ponceuse ou disques à poncer à monter sur la disqueuse.
– Disques de coton et cylindre de pierre à poncer.

AU TRAVAIL :

Pour le manche, procéder exactement de la même manière que celle décrite dans la première recette.
En ce qui concerne la lame de la hache, on peut aussi adopter le même procédé, mais il ne faut pas pratiquer les 4 entailles.

Dans les chutes de découpage, réaliser deux disques diam. 28 que l’on soudera à l’argent sur les embouts. Il est conseillé de bien nettoyer les soudures avant le montage sur la lame.

Dans le tube de 170, il faut effectuer deux saignées diamétralement opposées, soit à la fraiseuse si vous en avez la possibilité, soit à l’aide de deux disques diam. 125 ép. 1 mm, montés sur la disqueuse. Attention, un disque de 2 mm ne convient pas. Nettoyer la saignée à l’aide d’une petite lime et vérifier que la lame de la hache se positionne correctement par rapport au tube.

Il faut maintenant préparer la soudure. Après avoir repéré sur la lame la position du tube avec 4 petits coups de pointeau, chauffer soigneusement celle-ci afin d’assurer la bonne dispersion de la chaleur. On peut alors souder le tube sur la lame à l’aide de baguettes d’argent et nettoyer ensuite les soudures.

Pour commencer la finition, il faut utiliser la disqueuse et un disque à découper de 1 mm. Il faut être très soigneux car le laiton est tendre et vite marqué par les outils.

Il est fortement conseillé de ne pas utiliser de disques à meuler, ceux-ci attaquant trop inégalement la lame de la hache.

Il faut ensuite placer sur la disqueuse des disques à poncer de plus en plus fins (120/240/360) et chaque fois, faire disparaître les traits du ponçage précédent. Après l’utilisation du 360, il est encore possible d’utiliser la ponceuse triangulaire avec des triangles de 400.

La finition optimale s’obtient avec des disques en coton et de la pierre à poncer.

Avant de procéder à l’assemblage et au collage, il est conseillé de bien vérifier si la hache s’enfile bien sans devoir forcer sur le manche. Si tout se présente bien, on peut préparer le mastic de carrosserie et pratiquer l’assemblage final en prenant les mêmes précautions que celles décrites dans la première recette.

Voilà, vous pouvez maintenant déguster un bon petit rosé bien frais en admirant votre travail et en imaginant avec enthousiasme l’ambiance des moments privilégiés au cours desquels vous étrennerez votre nouvelle hache digne des traditions locales.

Les photos des stades de fabrication: Bernard Gillain

Bernard Gillain et Jean Marcelle