Le réveil
(texte issu du « Marcheur » n° 147 de septembre 1997).
Trois heures du matin… Tout ce qu’hier était en mouvement, était vie , s’est enfoui sereinement dans la moiteur de la nuit.
L’obscurité tranquille enveloppe le village, efface les maisons avec discrétion pour protéger le sommeil de leurs enfants.
Le ciel d’un noir profond scintille de tous ses astres. Il semble nous rassurer sur le temps : nous aurons une belle journée ! .
Une nuit comme tant d’autres ? Eh bien non !
Sur la grand’route, quelques hommes se rassemblent. Les couleurs de leur uniforme se perdent dans le jaune artificiel de l’éclairage public.
Le silence, empereur de la nuit, est taquiné par le cliquetis des sabres des officiers qui se dirigent vers la maison du tambour – major.
Dans le lointain, des tirs isolés partiellement étouffés par la respiration profonde de nos campagnes nous rappellent qu’à Gerpinnes, à la Pentecôte, la nuit s’octroie un congé.
Le quartier du « Tambour », des voix, le craquement de l’allumette qui inaugure la journée du fumeur invétéré, le silence se retire sur la pointe des pieds.
Tout le monde est prêt ?
Comme les archets de l’orchestre cherchent sur les cordes le « la » perdu dans le prélude cacophonique du concert, les baguettes donnent aux peaux des tambours les premières vibrations désordonnées de la journée.
« Tambours, pour le réveil, pied gauche en avant, marche ! .
Véritable coup du sabre dans la sérénité nocturne, ensemble parfait des premières mesures de notre procession, la marche du réveil éclate dans la rue, roule sur les façades, rebondit sur les pignons, secoue les fenêtres et envahit les chambres où reposent encore dans leurs plis les pantalons blancs du lundi.
La nuit prend peur…
Le ciel pâlit progressivement et les teintes pastel de l’aube colore délicatement l’orient.
Les étoiles s’éteignent et quelques petits nuages roses se faufilent entre les imposantes traînées blanches que laissent sur le ciel les réacteurs des avions de ligne.
Regarde ! C’est une belle journée qui s’annonce, une fête pleine de cette chaleur de l’amitié qui, au sein de notre folklore rapproche les gens, efface les querelles, comme le tambour du réveil efface la nuit.
Ecoute ! C’est notre village qui vit, et chaque coup de baguette est le battement du cœur de notre terroir.
Respire ! C’est l’haleine fraîche de notre campagne qui offre à nos saintes reliques le parfum de la conviction de ses enfants.
Oui, ce sera un grand jour.
Oh! bien sûr, il y aura l’ambiance et on boira, certes, quelques verres…
Et alors ?
Une procession n’est pas un enterrement, c’est une fête, et la bière de chez nous n’a – t – elle pas la couleur de l’amitié, n’est – elle pas claire comme notre attachement au folklore et fraîche comme son éternelle jeunesse ? .
Et si, ce soir, tous ces regards sont moins vifs et les pas moins sûrs, c’est cependant la satisfaction d’avoir avec dignité honoré la sainte patronne qui inondera les cœurs.
Voilà, c’est ça la véritable richesse ! .
C’est notre trésor et nous en sommes fiers.