Le petit pont Mariminson

Allez, petit pont Mariminson, raconte-nous !

Tout d’abord, pourquoi t’appelles-tu comme ça ? Ton nom évoque-t-il celui d’une dame de ton quartier ? As-tu été ainsi baptisé par des coeurs brisés faisant allusion à la «mariminse», chagrin d’amour en patois ancien ?

Toi seul le sais, allez, petit pont Mariminson, raconte-nous…
Tu enjambais fièrement le profond fossé au creux duquel les eaux décantées de Marmor filaient en murmurant vers le lit de la rivière. Aujourd’hui, la dalle de ton tablier, unique vestige de ton existence, est bercée par le glouglou permanent d’une épuration vivement invitée par l’environnement. N’as-tu point la nostalgie de la solitude d’antan ?

Allez, petit pont Mariminson, raconte-nous…
Toi aussi, tu as été le décor d’aventures improvisées par l’imagination de galopins en culottes courtes et tu y as participé avec bonheur en interprétant le rôle des plus célèbres oeuvres d’art.

Allez, petit pont Mariminson, raconte-nous…
Et puis, tel un professeur de sciences naturelles, tu surveillais attentivement les expériences des gamins sur la reproduction des grenouilles et en particulier la manipulation délicate des grappes gluantes d’oeufs transparents au coeur desquels les embryons de têtards donnaient leurs premiers signes de vie.

Allez, petit pont Mariminson, raconte-nous…
Parfois, à la fin des grandes vacances, tu assistais, sans y prêter grande attention, aux petits larcins dont les pommiers du verger voisin étaient finalement trop accueillants pour se prétendre victimes. Tu as certainement gardé précieusement tous les noms au fond de ta mémoire, n’est-ce pas ?

Allez, petit pont Mariminson, raconte-nous…
Tu dois aimer les belles histoires car tu écoutais avec tendresse les grands peupliers du château, aujourd’hui disparus, mais qui à l’époque te racontaient la mer en imitant le ressac dans leur feuillage léger balancé par le vent. Tu appréciais ces voyages à bord de la poésie naturelle et seul le meuglement des belles vaches de Bovesse, alors locataires privilégiées de la vallée, te ramenait dans ton écrin de verdure.

Allez, petit pont Mariminson, raconte-nous…

Les grands peupliers aujourd'hui disparus. (Photo coll. Jean Marcelle)

Tu sais, maintenant on est grand, tu peux nous le dire que les jeux d’enfants et le charme de ton environnement ne sont pas les uniques sujets de romans que tu pourrais nous écrire ! Allez, ne sois pas gêné, cela restera entre nous ! Ah ben tiens, évidemment qu’on est au courant !

Allez, petit pont Mariminson, raconte-nous…

Lumière naturellement tamisée, musique douce susurrée par le cours de l’eau, l’adaptation coquine de ton décor n’était pas pour te déplaire, avoue-le ! Et tu avais tes fidèles spectateurs ! Parmi les descendants de ceux-ci, l’un fait toujours « coucou ! » au printemps et l’autre nous lance un chouette « houououou ! » le soir tombé. Ils ont dû en voir des choses ! Mais oui, tu as raison, ne gardons de ces souvenirs que le parfum de romantisme qu’ils exhalent et puis, les enfants n’ont pas le monopole de la récréation…

Alors, petit pont Mariminson, si à l’occasion d’une balade on te rend une petite visite, allez, n’hésite surtout pas, raconte-nous…

Jean Marcelle

Il était là, devant la souche et la vue sur Gougnies était bien jolie. Mais les galopins (et galopines) pensaient sans doute à autre chose...(Photos Ben)