Nos Tambours-majors

Ce texte m’a été inspiré par un geste de sympathie, le réconfort d’un collègue et ami tambour-major qui m’apporta, avec beaucoup de gentillesse, son soutien lorsque ma santé m’enleva malheureusement le bonheur d’exercer ma fonction au sein de notre marche. José fêtait alors ses 20 ans de participation à la Sainte-Rolende à la tête de la batterie des Flaches. Il sait combien son geste ce jour-là m’a fait chaud au coeur, j’en avais bien besoin…

Emotions entre Marcheurs…

Lorsque les premiers coups de baguettes annoncent sur la scène du terroir le premier acte du plus émouvant et vivant spectacle de l’année, le Marcheur authentique ressent au plus profond de son être une émotion indescriptible, comme un extraordinaire frisson issu de la tendre enfance. C’est ce sang-là qui coule dans nos veines, comme la sève dans les racines des traditions locales. Ce n’est donc pas seulement par la magie du folklore que nous vivons tous celui-ci avec la même intensité, c’est parce qu’il est nôtre, que nous en avons hérité et que dans le cadre de la ferveur d’une merveilleuse dévotion, nous devons l’accompagner dignement sur le chemin de l’avenir.

C’est vrai, c’est fort, et seuls des non-marcheurs pourraient en douter…

Alors que dire lorsqu’on a le fabuleux privilège de marcher tambour-major au sein d’une des plus prestigieuses processions de l’Entre-Sambre-et-Meuse?
Oh oui, bien sûr, il y a le prestige du costume, l’emblématique image de la fonction dans le monde des Marches. Les enfants de chez nous jouent au «tambour-major» dans les rues du village ou dans la cour de récréation. Souvenez-vous, on allait à l’école avec un bâton enrubanné et le toit du préau amplifiait les «blibli» de nos tambours imaginaires. Peu parmi ces garnements ont eu l’occasion de réaliser leur rêve, forcément, mais tous sont aujourd’hui Marcheurs et papys de Marcheurs…

Mais au-delà de la prestance suscitée par son rôle, le tambour-major est un chef d’orchestre qui, de la première à la dernière seconde de la prestation, doit donner le rythme au respect des traditions locales. Il ne suffit pas de connaître sa partition, il faut vibrer avec les peaux, percevoir les différentes marches avec la même sensibilité que celle des anciens et entretenir avec les tambours la plus conviviale complicité. Une telle démarche permet à toute la compagnie de ressentir la sérénité du bon déroulement de la procession et c’est grâce à cet engagement que l’on obtient l’immense satisfaction d’entendre dire : «on aime marcher chez nous, on a l’impression d’appartenir à une grande famille!»

Marcher tambour-major implique le devoir de rester un exemple de dignité, de ponctualité, de respect des traditions, mais cela offre aussi l’immense bonheur de vivre sa Marche dans le coeur-même de celle-ci, de ressentir avec sa batterie les plus intenses vibrations du terroir, celles d’un « pas ordinaire » auquel l’entrée dans l’église apporte des résonances phénoménales ou celles des « vieilles » qui, dans les petites rues de Gerpinnes lors de la Rentrée, rebondissent sur les vieux murs de pierres pour stimuler les derniers pas de nos fiers pelotons…

Marcher tambour-major, c’est aussi une épouse qui accepte, et qui dans les coulisses, discrètement mais oh combien efficacement, assure le ravitaillement de toute l’équipe. Les tours d’horloge se succèdent très rapidement les jours de fête et ces dévouées complices ont décidément beaucoup de talent, on ne le dira jamais assez…

Depuis ma plus tendre enfance, j’ai toujours eu beaucoup d’admiration et de respect pour les tambours-majors qui se sont succédé au sein de notre compagnie. Je n’ai pas connu la remise en marche de celle-ci à l’issue de la guerre. Je n’ai donc de Jules Frédérique et d’Hector Grégoire que l’image que les anciens m’en ont donnée. Mais de tous les tambours-majors qui ont marqué mon statut de marcheur, je dispose dans l’album de mes souvenirs d’emplacements de choix, ceux que l’on ne peut contourner quand on le compulse.

Grâce à gougnies.be, je peux vous en offrir une petite galerie…

Jean Marcelle

Dans l'ordre: 
1946: Jules Frédérique.
1947-1952: Hector Grégoire
1953-1956: Jules Marcelle
1957-1964: Francis Martin
1965-1970: Fernand Looze
1971-1995: André Looze
1996-2004: Jean Marcelle
Depuis 2005: Claude Charlier
Photos coll: Jacques Monnoyer, Jean Marcelle, André Looze, Josiane Bruneau