L’église est au milieu du village

L’élégante flèche domine le coteau comme le point d’exclamation de la phrase « il fait bon vivre chez nous ! ». C’est le coeur du village, celui qui bat la chamade lorsque Berthe, fière d’être cloche dans sa robe de bronze, manifeste son bonheur au rythme des fifres et tambours. C’est le monument que tout le monde respecte parce qu’il est le sanctuaire témoin des générations, celui des souvenirs empreints de joie ou de tristesse, le repère des étapes de la vie. Lorsque les Marcheurs effectuent leur rentrée solennelle dans le bel édifice, le « pas ordinaire » atteint une amplitude magique qui engendre une parfaite symbiose entre les matériaux et la sensibilité de chacun, au-delà de ses convictions. C’est un moment de grande émotion et de dignité qui donne à notre folklore toute sa valeur authentique et qui en fait un patrimoine que l’on doit à tout prix préserver.

Au sein de notre terroir, la dévotion à sainte Rolende a été très heureusement épargnée par le temps qui passe. L’enthousiasme profond et sincère que suscitent les festivités de la Pentecôte en est le témoin infaillible. Mais l’église a pris quelques rides. La remarquable construction de style néo-gothique érigée en 1852 a perdu un peu de son éclat. Les peintures exécutées au pochoir avec une richesse plutôt rare dans nos contrées sont aujourd’hui menacées par diverses dégradations. Les voûtes sont ornées d’un joli ciel étoilé et méritent sans aucun doute une restauration susceptible d’en garantir la pérennité. L’autel d’une grande qualité artistique, les dalles en pierre bleue, les orgues du XIXème siècle, les vitraux constituent un trésor patrimonial qui doit être sauvegardé à l’instar des traditions locales.

L’ Administration Communale a introduit à cet effet un dossier auprès de la Commission Royale des Monuments, Sites et Fouilles afin de solliciter une demande de classement de l’édifice et de pouvoir, de ce fait, en envisager la restauration. Cette demande pourrait s’enrichir de l’appui de la population concernée et particulièrement celui des Marcheurs et amis du folklore local.

C’est pourquoi, le mardi de Pentecôte, lors du passage de la Compagnie Royale Sainte-Rolende au château de Gougnies, une pétition éditée par la Fabrique d’Eglise
sera proposée à tous les participants et sympathisants afin de recevoir le plus de signatures possible.

Ces quelques secondes que l’église de Gougnies mérite, c’est un peu comme si tous ceux qui la respectent trempaient la pointe de leur pinceau dans les couleurs de la solidarité pour rendre à l’édifice l’éclat dont hériteront les générations à venir.

Petite visite guidée…
Voilà, mesdames et messieurs, si vous le souhaitez, grâce aux informations collectées dans le dossier constitué par l’Administration Communale, je peux vous inviter à me suivre dans l’église pour une brève visite, et… N’oubliez pas le guide !

Si l’édifice fait l’objet d’une demande de classement, c’est parce qu’il est incontestablement remarquable au niveau de son style et de sa décoration.

Son architecture

L’église de style néo-gothique a été construite de 1852 à 1854, en briques et calcaire, par l’architecte Mathot. Son porche en pierre accueille les fidèles sous une tour de façade dite « en avancée ».

L’intérieur de l’édifice est très luxueux. Au XIXème siècle, de nombreuses églises néo-gothiques ont été érigées dans le Hainaut mais peu d’entre elles ont conservé une telle richesse de mobilier et de décor mural. Il faut savoir également que les édifices religieux décorés avec opulence l’étaient grâce au mécénat. Le travail artisanal nécessaire à de telles réalisations impliquait d’importants budgets et s’avérait matériellement impossible sans un geste généreux. La décoration de l’église de Gougnies aurait été offerte par le baron H. PIRMEZ à l’occasion du mariage de sa fille en 1882.

Le porche en pierre et l’intérieur néo-gothique
Ses peintures murales

Les peintures murales ont été exécutées au pochoir et mises en relief par des rehauts d’or. Dans de nombreuses églises n’ayant pas fait l’objet de généreuses donations, les peintures se limitaient à un décor de faux joints. A Gougnies, ceux-ci se complètent remarquablement de rosaces, de frises de végétaux, ou, notamment derrière l’autel, de tentures à franges avec galons et rehauts dorés au monogramme du Christ. Seules les peintures qui apparaissaient sur les fûts des colonnes ont été effacées. Quant au plafond en voûtes ornées d’étoiles tel un ciel de nuit d’été, il est absolument nécessaire de le préserver au sein de notre patrimoine, dans l’écrin de notre histoire.


Des éléments de décoration: frise de végétaux, tenture à franges et faux joints derrière sainte Rolende


Si saint Ghislain avait un pinceau…

Ciel de nuit d’été et plafond vouté
Le mobilier

Le mobilier s’illustre également par sa grande qualité. L’autel vertical, comme un élan vers le ciel, abrite un superbe tabernacle. La chaire et les confessionnaux évoquent le talent des ébénistes de l’époque et les fonts baptismaux constituent un beau travail de tailleur de pierre. Les orgues sont d’Anneessens, réputé au XIXème pour la qualité de ses instruments, et semblent avoir bien traversé le temps car leur restauration n’impliquerait pas un chantier de grande envergure.

Le tabernacle et l’autel très élégant

En vérité, la chaire est belle… tout comme l’orgue et les fonts baptismaux

Les vitraux

Si le chemin de croix ne semble pas avoir attiré l’attention des spécialistes du patrimoine, les vitraux, quant à eux, ont été qualifiés d’intéressants. Le mécénat est également à l’origine de la plupart d’entre eux et le nom des généreux donateurs y apparaît discrètement. Le vitrail représentant la Rentrée de la procession Sainte-Rolende du lundi de Pentecôte est bien connu de tous les Marcheurs. L’enfant de choeur y figurant serait Augustin Beaurain.

Un vitrail bien connu des marcheurs et l’Annonciation d’une restauration toute proche?

Et puis, tant de souvenirs…

La visite se termine mais je ne vous quitterai pas sans attirer votre attention sur quelques détails ou objets qui, au sein de notre église, évoquent notre histoire. Sous le vitrail dédié à sainte Rolende, soigneusement rangé dans une imposante vitrine, le vieux drapeau de la jeunesse de Gougnies brodé en 1862 diffuse à travers la glace protectrice son chapelet de souvenirs. Et puis, il y a le dais, rangé dans les anciens fonts baptismaux avec ses lanternes d’escorte, qui nous rappelle le dimanche de la Procession avec ses pantalons blancs parmi les ailes des anges. Si vous le désirez, je vous montrerai, dans la sacristie, l’endroit où monsieur le Curé range son vin de messe. Et bien oui, tous ceux qui comme moi ont été un jour enfant de choeur le savent très bien ! Mais chut ! Ecoutez, c’est notre cloche empreinte aussi de nombreux souvenirs qui nous signifie l’heure de la fin de la visite…

Que d’enfants y ont confessé leurs maraudes…

Texte: Jean Marcelle
Photos: Arnaud Tombelle

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