Les orchestres

Les orchestres des sixties et seventies

La jeunesse de Gougnies et environs a toujours aimé danser au rythme des orchestres locaux…

Les As de pique


En 1965, nous avions 14 ou 15 ans et nos balades en vélo s’interrompaient régulièrement à la rue de Namur, sur le petit mur près de la chapelle. La porte de chez Willy Gérard était toujours ouverte quand les « As de pique » répétaient. Nous étions leur premier public…

L’idée de la création de ce groupe émane d’un guitariste villersois, Marcel Serwy. Celui-ci contacte notre Willy local, qui vient de convaincre sa maman que finalement une batterie chatoyante, c’est pas plus mal qu’un poste de télévision en noir et blanc !
Les jeunes musiciens ayant répondu à leur appel portent l’orchestre sur les fonts baptismaux et se mettent au travail.

De gauche à droite: Jacques Francisine de Bouffioulx (basse); Marcel Serwy de Villers-Poterie (solo); Willy Gérard de gougnies (batterie); Christian Joris de Gougnies (rythmique et chant); Fernand Henry de Nalinnes (rythmique, accordéon et saxo).

Après 2 mois de répétitions, les As de pique participent à un concours au château de Farciennes. Ils y interprètent 3 morceaux, « sans toi ma mie » et « vous permettez » d’Adamo, et un orchestral des Shadows. Noté dans les 5 premiers, le groupe doit se représenter sur le podium. N’ayant finalisé que ces 3 partitions, c’est avec le même programme qu’il se classe à la troisième place.

Concours au château de Farciennes en 1965

Le concours de Farciennes les a placés sur la rampe de lancement. Ils participent peu après à « la note d’or » de Châtelineau et y terminent premiers.

Commence alors pour eux la période des bals, celle qui en cette année 1966, va très vite leur constituer une carte de visite riche en références.

A l’occasion d’une soirée qu’ils animent au dancing « l’Etang des moines » à Fourmies, en France, ils décrochent un contrat de 6 mois au cours desquels, chaque dimanche, ils franchissent la douane et de 16 à 22 heures, font virevolter la jeunesse frontalière.

En 1967, pas moins de 60 groupes se retrouvent au « Feu de bois » à Gerpinnes. Les As de pique terminent deuxièmes de ce grand concours.
C’est à la suite de succès que l’orchestre décide de grandir. Baudry Robette de Mettet (accordéon, clavier), Jean Gilot de Gourdinnes (basse) et Michel Bayenet de Walcourt (guitare rythmique et saxo) rejoignent le groupe.
En 1968, c’est dans le cadre d’une prestation à Mettet que nos musiciens doivent faire face aux premiers avatars des années qui passent. Christian Joris s’en va sous les drapeaux et doit être remplacé.

Mettet 1968 

Cet impondérable est le premier d’une longue série et en 1969, par la force des choses de la vie, le sympathique groupe, malgré ses atouts, dépose ses as de pique sur le tapis vert des sixties dont les notes, bien souvent, résonnent dans le cœur de l’adolescent que l’on aimerait retrouver dans son miroir…

Chez Willy: le mur de "notre public" et la porte toujours ouverte pour les répétitions. Photos collection Willy Gérard.

The New Melodys

Léon est devenu un grand garçon. A 9 ans, il rentre à la maison et annonce à son père : « Papa, je voudrais faire ma communion » ! Bien que cette idée ne corresponde pas à ses opinions, Monsieur Baulin respecte la décision de son fils et s’en va trouver le Curé de Gilly. Malheureusement, à l’époque, des convictions politiques pouvaient constituer un obstacle à ce genre de démarche… Le papa de Léon doit donc faire part de cet échec à son fils et attendri par la déception de celui-ci, promet de lui faire malgré tout un beau cadeau. Léon en rêve depuis des mois : un accordéon ! Et bien soit, mais il faut aller jusqu’au bout, prendre des cours et y arriver car l’investissement pour un ouvrier s’avère tout de même assez conséquent !

Monsieur le curé de Gilly ignorait certainement que sa prise de position inquisitrice donnerait un jour naissance à un très bon orchestre des seventies : the new melodys !

A l’âge de 12 ans, Léon se présente à la « Coupe du Roi » à Huy dans les débutants, au départ, et très vite dans la catégorie « excellence ».
En 1970, il a 17 ans et remporte cette fameuse coupe, le pari est gagné ! Seul, il commence par animer les fêtes de famille et comprend que c’est le moment de créer un véritable groupe.

Léon Baulin 

Quelques annonces dans les journaux porteront très vite leurs fruits et en fin d’année, les musiciens sont prêts, l’orchestre est né. Dans le souci de la présentation et de l’uniformité, 5 costumes identiques sont réalisés et l’aventure peut commencer.

1970. De gauche à droite: Guy Alexandre de Couillet (rythmique); Rodolphe Winghens de Gilly (solite et chant); Robert Cornelis de Gilly (bassiste et chant); Léon Baulin de Gougnies (accordéon et clavier); Roland Paternotte de Châtelet (batterie)

La première soirée animée par the new melodys est le bal de la fête de quartier à Villers Poterie et cette convaincante prestation engendre divers contrats avec le « Fer à Cheval » et le « Caïman ».

Au "Fer à cheval" à Villers-Poterie

De nombreux bals et soirées sont dès ce moment, dans toute la région, le théâtre de leur talent et après la dissolution des « As de pique », Willy Gérard va régulièrement les renforcer.
A la fin des seventies, un nouveau phénomène va progressivement décimer les orchestres de jeunes : les disc-jockeys.

Le premier contrat du groupe, en 1970, se chiffrait à 3.500 FB pour 5 musiciens pendant 6 heures. La même prestation 10 ans plus tard ne pouvait se faire pour moins de 15.000FB.

The New Melodys ont cessé en 1980 mais restent bien présents dans nos souvenirs de jeunesse.

Photos collection Léon Baulin.
A l'école des Flaches et dans le parc de Châtelineau.

Episode des forties de « Fantômas orchestre »

Le souffle de curiosité permanente de gougnies.be a encore épousseté ! La poussière du temps couvrait ici une bien belle image de la jeunesse d’après-guerre : celle d’un groupe musical bien de chez nous, le témoignage d’une époque qui cicatrisait les plaies de l’absurdité. Musique et spectacles offraient alors à nos villages le décor idéal pour la redynamisation de la convivialité.

Notre plasma quotidien, c’était pour eux le direct de la scène, le contact humain.

Nos amplifications, émissions continues de décibels à tête chercheuse du moindre tympan, c’était leur voix, celle de l’accordéon, et la sonorité caractéristique des pianos de salles des fêtes.

Nos éclairages psychédéliques, c’était la rampe d’avant-scène qui mettait du soleil sur les jolies jambes des demoiselles et du relief aux viriles moustaches de ces messieurs.

Les anciens diront : « c’était le bon temps ! » Peut-être, mais toujours est-il que cette photo, souvenir de 1948, démontre une fois de plus que Gougnies a toujours possédé un potentiel culturel et que le succès rencontré en général par ses festivités n’est pas le fruit du hasard.

Les acteurs de cet épisode de « Fantômas orchestre », nous avons pu, grâce à quelques mémoires bien claires et bonnes volontés physionomistes, les identifier presque avec certitude. Cependant l’erreur est toujours possible, et dans ce cas, n’hésitez pas à le mentionner dans les commentaires avec les précisions ad hoc.

Quant aux circonstances de la formation de ce groupe, Fantômas reste dans le brouillard des années et le manque de données à ce sujet ne nous permet pas d’affirmer quoi que ce soit.
Ceci dit, les membres de la troupe étant des personnages bien connus, il est très possible que dans les familles ou parmi les amis de générations précédentes, l’un ou l’autre « commissaire Juve » ait des renseignements plus précis sur cette manifestation de « Fantômas orchestre ».
Si c’était le cas, nous pourrions, avec son témoignage, résoudre cette affaire de « Fantômas à Gougnies » !

Photo collection famille Cabut (merci à tous ceux qui ont aidé l'identification des personnes figurant sur la photo)
Avant-plan , de g à d : Léon Crassinis, Eugène Goffaux et Lucien Lefèvre ;
Deuxième rang : Gabriel Vanbelligem , Raoul Wyame, Albert Salmon, Gabrielle Salmon, Elisabeth Grégoire, Nicole Tamine ;
Troisième rang (au centre) : Emile Navstanij ; Gabrielle Gillain, Ulysse Laffineur ;
Quatrième rang : Jean Grégoire, Robert Libois, Camille Defresne.

Nouveau témoignage dans l’affaire Fantômas.

Grâce aux souvenirs de Marie-Thérèse Defresne, des éléments bien précis peuvent aujourd’hui être ajoutés au dossier « Fantômas à Gougnies ».

Les racines de ce groupe puisent leurs souvenirs dans le décor qui fut celui de Henri Verneuil lorsqu’il réalisa « la vache et le prisonnier ». En effet, pendant la guerre, Camille Defresne est déporté et mis au travail dans une ferme en Autriche. Voir également notre dossier sur les heures de guerre
Parmi les enfants du couple de fermiers, une jeune fille a la vocation et se prépare à la vie religieuse du couvent. Fidèle à ses principes, elle prend sous sa protection les prisonniers de guerre et, de ce fait, leur rend la captivité moins pénible au sein des familles où ils sont occupés et dans le campement où ils sont logés.

Forts de cette sérénité acquise au niveau des relations avec les habitants, les prisonniers casernés ensemble obtiennent l’autorisation de former une troupe théâtrale. Celle-ci, se composant de comédiens et de musiciens, se peaufine au gré des répétitions pour offrir à la communauté de biens jolis spectacles issus d’un large répertoire de vaudevilles et opérettes.

La troupe en Allemagne. Camille Defresne (avec le parapluie) et, sur la seconde photo, le 2e à gauche (avec la plume)

Camille parvient, grâce à ses « employeurs », à acquérir une mandoline et met avec enthousiasme sa compétence dans l’art de manier l’onglet au service du groupe.

Après la guerre, soigneusement emballée dans le barda du retour, la mandoline revient à Gougnies avec son heureux propriétaire.

L'horchestre en Allemagne ( Camille , 2e à gauche avec la mandoline. Les prisonniers dans des rôles de femmes (Camille 1er à droite en chignon) et Camille au tricot. (Photos: collection Marie-Thérèse Defresne. Restauration: Arnaud Tombelle)

Autour de la table familiale, les parents et amis de Camille sont emportés par le flux des souvenirs dans la chaleureuse ambiance des retrouvailles après ces années d’angoisse et d’incertitude.

Camille parle beaucoup de son orchestre et fait le vœu de ranimer dans son village les cordes de sa mandoline, souvenir de captivité assoupi par le long voyage. Il convainc sa fille, un peu contre son gré, de suivre des cours de piano et contacte un copain, Georges Gailly, qui habite sur la place et qui fait vibrer le banjo comme un vieux cow-boy.

Et voilà, l’idée a eu à peine le temps de germer, que le bouquet musical s’épanouit dans le jardin gougnacien.

Les premières répétitions ont lieu dans le salon de Camille, à la rue de la station, et bien vite, à l’affiche des soirées villageoises, apparaît le « Fantômas orchestre » au baptême duquel participent :

Camille Defresne à la mandoline,
Georges Gailly au banjo,
Gabby Gillain au piano,
Ulysse Laffineur à l’accordéon,
Robert Libois à la trompette,
Jean Grégoire à la batterie.
Marie-Thérèse Defresne remplace Gabby au piano quand celle-ci n’est pas disponible et bien vite, d’autres musiciens, chanteurs et comédiens vont se joindre au groupe qui, durant plusieurs années d’après-guerre, animera bon nombre de bals et festivités à Gougnies.

Et, pour conclure, la mandoline de Camille que Marie-Thérèse conserve précieusement

Textes rédigés par Jean Marcelle