Heures de guerre (4)

Avec le dossier que nous vous proposons ci-après, nous abordons un nouveau volet de notre ensemble sur « Gougnies dans les heures de guerre ».
Après avoir évoqué la rage meurtrière des troupes du Keiser quand elles investirent le village le dimanche 23 août 1914 et après avoir rendu hommage à tous ceux qui, prisonniers de guerre, évadés, réfractaires ou victimes du travail obligatoire ont subi le conflit suivant, nous vous proposons un témoignage qui met en lumière les souffrances endurées par les dizaines d’habitants de Gougnies jetés sur les routes de l’exode en mai 1940.
Au travers du drame que nous allons évoquer et dont la mémoire est gravée dans la pierre du monument aux morts c’est à tous les civils victimes de la déferlante barbare que ce quatrième dossier est dédié (1)

Photo Nicolas Soumillon

Les souffrances de l’exode
Richard Soumillon qui habite actuellement à Marbaix-la-Tour (Ham sur Heure) est né à Gougnies le 6 septembre 1931 au « Café de la Place » que ses parents exploitaient. Peu avant la guerre, ses parents déménagèrent à Couillet, mais après les terribles épreuves qu’il allait vivre, Richard habita de nouveau à Gougnies, chez ses grands-parents au 64 de la rue de Châtelet.
En 1946, il partit apprendre la boulangerie à Couillet. Mais, finalement, il travailla à Moncheret puis à Hainaut-Sambre.

Photo coll. Richard Soumillon
Sur les évènement du début de la guerre, Richard s’est confié à son petit-neveu, Pol.

« Je vais vous raconter ma vie d’enfant en ce début de 1940.
Je suis né le 6 septembre 1931 et ma famille a été décimée durant la guerre de 1940/1945 et plus précisément le 16 mai 1940 ; mon papa, Emile Soumillon, avait 35 ans, ma maman, Simone Delporte, 34 ans et mon frère ainé, Daniel Soumillon, 11 ans ; quant à moi j’ai échappé miraculeusement à se massacre.

Aux premiers jours de la guerre, mes parents, comme tant d’autres, décidèrent de se réfugier en France ; nous avons donc quitté Couillet pour rejoindre des tantes et oncles ainsi que leurs enfants à Villers-Poterie d’où nous sommes partis ensemble à vélo en passant par Gerpinnes où nous avons passé notre première nuit au Séminaire. De là, nous prîmes la direction de la France en passant par Beaumont, Maubeuge et Avesnes. Mes grands-parents paternels, Paul Soumillon et Aglaé Grégoire avaient, quant à eux, pris un autre chemin.

Lorsque nous sommes arrivés près des bois de Beugnies, des Allemands ont surgi derrière notre groupe et se sont mis à tirer sur des soldats français qui se cachaient dans les taillis ; nous étions pris entre deux feux. Mes tantes et oncles eurent le temps d’entrer dans les fourrés ; malheureusement pour nous, nous n’eûmes pas la chance d’y arriver.
Ce fut un vrai carnage ; ma maman a eu les deux jambes sectionnées par une rafale, mon papa a reçu une balle en plein cœur, mon frère aîné une balle en pleine tête et moi une balle en-dessous du genou ; j’en garde encore la trace. Ces évènements restent gravés à jamais dans ma mémoire tellement ce fut horrible et terrifiant ; il était environ 22 heures et de l’autre du côté du chemin, une ferme était ravagée par les flammes. Lors de cette attaque, il y eu 16 civils ainsi que de nombreux soldats français massacrés sur le bord du chemin.

Quant à moi, je fus raccompagné à Gougnies et c’étaient les Allemands qui me soignaient ; ils occupaient le château Pirmez et tous les jours un officier venait me chercher pour mes soins et pour manger avec eux. Cela dura jusqu’au jour où ils partirent. Ce fut ensuite madame Pirmez qui continua à me soigner et à s’occuper de moi jusqu’au retour de mes grands-parents paternels.

L’horrible voyage du grand-père

Quand ils furent rentrés à Gougnies et qu’ils apprirent la terrible nouvelle, ce fut un terrible choc pour eux d’apprendre le décès de leurs fils, belle-fille et petit-fils.
Le lendemain, mon grand-père partit, avec un chariot et un cheval que Joseph Malvaux lui avait prêté, afin de ramener au village les dépouilles de mes parents et de mon frère. Dans ce chariot se trouvaient déjà trois cercueils pour les y déposer ; une rude épreuve l’attendait encore car il dut déterrer lui-même les trois corps.

Le jour des funérailles, comme mon papa était contremaître à l’usine Solvay, tout le personnel était présent pour lui rendre un dernier hommage.
Je dois vous dire que j’ai été très gâté par mes grands-parents qui tinrent à la fois le rôle de parents et celui de grands-parents et, c’est grâce à eux, que j’ai pu grandir et devenir l’homme que je suis. Merci à eux.
Merci à tous d’avoir lu mon histoire et revécu, avec moi, le triste début des années de guerre. »

Richard (à gauche) et son frère Daniel.
Richard entre ses grands-parents, Paul Soumillon et Aglaé Grégoire
Emile, le père de Richard et son épouse Simonne Delporte

Photos coll. Richard Soumillon restaurées par Arnaud Tombelle


Toutes et tous qui ont traversé ces années de guerre ont connu privations, tristesse et douleur de la perte d’un être aimé.
Merci Richard d’avoir accepté de revivre et de partager avec nous ces moments très pénibles.

« Ne pas oublier le passé nous permettra d’anticiper le futur »

Pol Soumillon

Des réfugiés de Gougnies?

Cette photo qui vient de nous parvenir a été prise très probablement au cours de l’année 1918 en Normandie.
La personne au centre, avec le bras en écharpe , se nomme Jean-Baptiste Pietquin . Ce soldat avait été blessé au combat. Quant aux deux dames à droite sur la photo, elles seraient de Gougnies.
De nombreux habitants de Gougnies étaient partis en exode en France et notamment, comme nous le signalons dans un autre dossier, en Normandie.
Toute information ou piste de renseignements est bienvenue dans la rubrique « commentaires » ci-dessous.

(1) Si vous possédez des souvenirs, récits, documents concernant l’exode de vos proches et si vous voulez bien nous les confier, ce dossier pourra trouver une suite.

Voyez aussi:

« Heures de guerre (1) »

« Heures de guerre (2) »

« Heures de guerre (3) »

« Heures de guerre (5) »

« Les tribulations d’une cloche »

« Emile Matteï: poilu de Gougnies »

14-18: la vie à Gougnies