De 1910 à 1939 (2ème partie)

Ce dossier fait suite à 1910 – 1939 – 1ere partie

Il vaut mieux être gros propriétaire que petit propriétaire et surtout que… pas propriétaire du tout : le 23 mars 1915, le Conseil constatant que la Caisse des prêts du bassin de Charleroi en consent à 3% sans bénéfice contre des garanties telles que actions, rentes etc, s’inquiète du sort des petits propriétaires qui ne peuvent produire de telles garanties alors que leurs locataires, privés de ressources par manque de travail, n’arrivent plus à payer leurs loyers. Une demande sera faite à la Caisse afin que, dans leur cas, elle accepte une « promesse de remboursement » avalisée par le bourgmestre.
Quant aux non propriétaires, il leur reste leurs yeux pour pleurer.

Le 15 mai, le Conseil demande à la Députation permanente l’autorisation de mettre sur le chantier de captation d’eau les ouvriers de la commune travaillant habituellement aux carrières.
Le 26 juin, les conseillers décident d’un secours mensuel de 20 francs pour les enfants en bas âge d’un habitant du Bas Sart et de 10 francs pour « les enfants abandonnés » d’un autre gougnacien « disparu du pays ». Aucune indication ne permet de préciser si le premier est un prisonnier de guerre ou un détenu de droit commun ni si le second était un combattant.

Même sujet : le 10 juillet 1915 le Conseil alloue 5 francs mensuels à chacun des prisonniers civils et militaires en Allemagne. « Leur nombre étant de six » (1) une somme de 30 francs sera versée à la fin de chaque mois aux mains du trésorier du Comité de secours.

Un emprunt supplémentaire de 5.000 francs est contracté auprès du Crédit communal pour faire face aux « nombreuses obligations ».

Face à la misère et aux difficultés d’approvisionnement, il faut s’organiser. Le Conseil du 4 février 1916 examine un projet de création à Charleroi d’une coopérative, comme celle de Bruxelles. Il s’agit d’associer des communes pour la vente de tous les articles utiles aux habitants.
La cotisation par habitant étant de 5 francs, la commune souscrit pour 3.500 francs de parts à cette coopérative et, le 20 avril, parmi d’autres candidats, les conseillers choisissent Aimé Poncelet comme gérant.

Le 20 mai, revoici le binage. La somme était redescendue à 250 francs mais, inflexible, la Députation permanente l’a biffée du budget. Recours, cette fois, au ministre de l’Intérieur, le Roi ayant d’autres sujets de préoccupation que le binage du curé de Gougnies.

La population a faim : le 16 juillet 1916 le Conseil décide d’organiser une « soupe communale ».

Des « étrennes » quand même : pour le récompenser du zèle apporté à ses fonctions, le garde champêtre Jules Duchène voit son traitement annuel augmenté de 100 francs et passe ainsi à 1.000 francs.

Chômage : pour venir en aide aux sans emploi de la commune le Conseil décide, le 10 avril 1917 de les mettre au travail pour la création d’un chemin de « vidange » (NB : pour évacuer les arbres à abattre) au lieu dit « Taille aux foins » dans le bois communal.

Emprunt sur emprunt
La faim toujours :
-le 3 juin 1917 : emprunt de 7.000 francs au Crédit communal « vu l’impossibilité pour une grande partie de la population de pourvoir elle-même aux nécessités impérieuses de son alimentation »

-le 21 juillet : allocation de 2.000 francs au Comité de secours et « vu les délits assez fréquents dans la commune » (NB : sans doute des vols dans les cultures) engagement de trois agents de police provisoires pour seconder le garde champêtre. Les trois seuls candidats seront élus : Joseph Grégoire, Jules Ninnin et Léon Massaux. Ils toucheront 60 francs par mois.

Le 19 janvier 1918 nouvel emprunt au Crédit communal. Son affectation est ventilée comme suit :
– approvisionnement en pommes de terre, légumes, fruits et lait condensé : 2.000 francs
– viande pour la soupe de la population : 3.000
– achat de vaches laitières et leur nourriture : 2.000
– culture communale et « coin de terre » : 4.000
– achat de bœufs pour le transport : 6.000
– vêtements, linge, chaussures : 1.000
– fonds de roulement du Comité local d’alimentation : 1.000
– subside extraordinaire au Bureau de bienfaisance : 1.000

Déjà les séparatistes flamands : le 16 février 1918 le Conseil adopte la résolution suivante : « Attendu qu’un groupe se qualifiant de Conseil de Flandre prend des résolutions portant atteinte à notre Constitution et conséquemment de nature à amener la désunion entre la partie flamande et wallonne de la Belgique (…) attendu que la Belgique tout entière a toujours manifesté les plus hauts sentiments de patriotisme et de fidélité au Roi, le Conseil, à l’unanimité, proteste contre les décisions dudit Conseil des Flandres et formule des vœux pour que la Belgique soit toujours fidèle à ses sentiments de patriotisme »

A noter que, pas plus que pour l’invasion de la Belgique en 1914, il n’est fait état dans les comptes rendus des réunions du Conseil communal de la capitulation du 11 novembre 1918.

Mauvaises langues à Gougnies : des critiques ont été formulées à l’égard du Comité de secours. Le 15 avril 1919, son secrétaire Fernand Mengeot est entendu à ce sujet par les conseillers qui estiment qu’elles ne sont pas fondées et reconduisent le subside de 200 francs mensuels.
Le même jour les conseillers soldent les comptes avec les instituteurs : R. Buxin qui a assuré un intérim de 5 mois en 1915 percevra 653 francs dont 70 francs d’intérêts, tandis que R. Balant qui lui a succédé de début 1916 à avril 1919 doit encore toucher 350 francs pour indemnités de logement et 175 francs pour indemnités de direction.

Le 2 décembre 1919 Albert Pirmez obtient une augmentation des tarifs de l’électricité fournie par la « Centrale électrique de l’Entre- Sambre et Meuse » c’est-à-dire la « turbine ».

Lors de la réunion du 15 janvier 1920 il s’agit de régler, au profit des habitants concernés, les indemnités de logement des troupes australiennes (et non anglaises comme indiqué par erreur dans le PV) ayant séjourné à Gougnies de décembre 1918 à mai 1919.
Manifestement des sommes ont été perçues qu’il convient de répartir équitablement. L’échevin Hector Defrène fera un travail de ventilation qui sera affiché avec invitation aux habitants d’adresser leurs réclamations à l’administration communale.

Entre décembre 1918 et mars 1919 des soldats australiens ont séjourné dans la région et c'est sans doute avec étonnement que les habitants de Gougnies ont découvert leurs couvre-chefs si caractéristiques. Ces troupes appartenant à la première division australienne avaient été envoyées chez nous pour parer à un éventuel sursaut des troupes allemandes. Ils rentrèrent au pays dès que furent signés les accords concernant l'occupation militaire de l'Allemagne. Ce groupe est photographié devant la maison portant actuellement le N° 8 de la rue des Hayettes, ce bâtiment abritait leur quartier général.

Photo coll.Jacques Monnoyer

Réunion du 1er mai 1920 sous la présidence d’Albert Pirmez, bourgmestre. Isaac Hébrant est échevin, Thibaut, Fernand Wauthy et Vigneron sont Conseillers et Biernaux secrétaire. Ou bien ce dernier a un sens aigu de la concision, ou bien il y avait peu de pain sur la planche des réunions du Conseil. Le procès-verbal complet occupe, en moyenne, trois quarts de page du registre alors que dans les années ’60 nous passons allègrement le cap des 5 pages…

Cette fois-là il n’y a, semble t-il que deux sujets à l’ordre du jour : le traitement des instituteurs et la réfection du chemin vers Sart-Eustache.
Valentin Joachim, instituteur primaire, verra son salaire annuel porté à 5.750 francs, sa collègue Maria Evrard se contentera de 3.840 francs, tandis que Mme Tayenne-Defrène, institutrice gardienne, n’aura que 3.300 francs.
Quant au chemin vers Sart-Eustache il sera rechargé de pierres et sera passé au rouleau compresseur et le garde champêtre Jules Duchène surveillera le bon déroulement du chantier.

A la réunion suivante, le 27 mai, ces travaux feront l’objet d’une demande d’emprunt de 50.000 francs au Crédit communal et on y enregistre aussi les doléances de la commune de Sart et de quelques habitants quant à cette réfection. Mais la raison n’en est pas spécifiée.

Le budget communal pour 1920 est de 187.801,03 francs, en boni de 11.697,39 francs et lors de la réunion du 16 octobre 1920 le traitement des instituteurs est subitement revalorisé : près de 3.000 francs de plus pour Valentin Joachim, quant à Mmes Evrard et Tayenne, leur salaire est doublé !

En attendant les robinets…
Le 10 février 1921 le Conseil décide d’exécuter au plus tôt quelques travaux d’extension à la distribution d’eau. Notamment des branchements vers le haut du village, le cimetière, les prés du Sart et vers le Vieux Château où une pompe sera installée (rappelons qu’il n’est pas question de robinets à domicile : ceux-ci n’apparaîtront qu’une trentaine d’années plus tard) .

Une pompe sur la place en 1902
Photo Gaspard François

Gardons-nous de supposer que les Gougnaciens de 1921 n’ont pas la fibre patriotique, mais il semblerait que « l’autorité supérieure » qui pourrait être l’Etat ou la Province s’étonne qu’aucun monument aux morts n’ait encore été érigé à Gougnies. Des délibérations du Conseil on peut déduire qu’un appel à la générosité des habitants avait déjà été lancé, mais qu’il n’a pas rapporté grand-chose… il est vrai que trois ans après la fin des hostilités, la population ne doit pas être bien riche. Une nouvelle liste de souscriptions sera cependant lancée.

Mme Machurot de Gilly remplacera temporairement Mme Evrard, souffrante, comme institutrice. Elle aura un salaire annuel de 5.600 francs.
Une allocation d’un franc par jour est accordée à un habitant du village qui est aveugle.

L’entrepreneur L. Michaux de Châtelet est autorisé à extraire du grès du bois communal moyennant 2 francs le mètre cube.

Quinze jours plus tard, nouvelle réunion du Conseil avec une bonne nouvelle : la commune avait emprunté le 19 janvier 1918, 20.000 francs au Crédit communal pour subvenir au ravitaillement de la population n’a pas tout dépensé. Les 6.400 francs restant seront affectés à des travaux urgents.

Le 22 juin 1921, installation du nouveau Conseil communal élu le 24 avril précédent.

Le bourgmestre Pirmez, Isaac Hébrant et Fernand Wauthy ont été réélus, mais il y a de nouveaux visages : Ernest Soumillon, Léon Hébrant, ainsi que Robert Francq et René Grégoire. Ces deux derniers, on le constatera ci-après, sont de gauche.
Isaac Hébrant est élu 1er échevin et Fernand Wauthy second échevin.

René Grégoire sera proclamé bourgmestre lors d'une assemblée de la population en mai 40.
Cette photo date des années 1960.
(coll. Freddy Grégoire).

Léon Mengeot et son bourricot qui devait être bien costaud.
(coll. Philippe Mengeot)

Qui a dit que tout augmentait ? La contribution de Eugène Daffe pour le raccordement à l’eau est ramenée à 60 francs, mais celles de MM. André, Noël et Henseval est maintenue à 120 francs parce qu’ils exercent un commerce.
(Nous allons voir que l’on va continuer à « casser les prix »)

Le docteur Fagnart est nommé médecin inspecteur des écoles communales. Il procèdera à une visite de chaque élève par mois et percevra 3 francs par élève.

L’instituteur Valentin Joachim demande que lui soit versé le traitement qu’il aurait touché pendant la période de guerre qu’il a passée en exode en France. Le Conseil refuse car, comme beaucoup d’autres, il aurait pu rentrer au pays en 1914 ou 15.

Mauvaise nouvelle lors de la réunion du 17 décembre 1921 : l’électricité va augmenter a annoncé le concessionnaire. Celui-ci n’est autre que le bourgmestre Albert Pirmez, propriétaire de la « turbine » qui produit le courant. Il se retire durant les débats qui se concluent par l’approbation de l’augmentation des tarifs.

Crise économique en Europe. Considérant la dépréciation de la monnaie, la majoration du prix des terrains et bâtisses, ainsi que le besoin de ressources de la commune, le Conseil décide de vendre des parcelles de terrains communaux à condition que l’acquéreur, qui doit être domicilié à Gougnies et ne pas posséder d’autre maison, construise une bâtisse de 6.000 francs minimum.

Pour 9 francs le mètre cube, les chômeurs seront employés à concasser du grès extrait dans le bois afin d’obtenir des pierrailles pour recharger les chemins communaux.

Hommage à l’institutrice
On en revient à un sujet évoqué lors de la réunion précédente : contrairement à l’instituteur Valentin Joachim, sa collègue Mlle Evrard (devenue entre-temps Mme Piron) qui avait fui en août 1914 est revenue sous l’occupation. Son traitement durant les mois d’absence lui sera versé et le Conseil lui rend hommage pour son dévouement et son courage.

Survient ensuite un sujet qui va provoquer un incident. Des Conseillers, sans doute Robert Francq et René Grégoire, ont fait remarquer que le traitement de 3.150 francs annuels du garde champêtre Jules Duchène est insuffisant eût égard à ses tâches et son ancienneté.
Albert Pirmez propose que lui soit accordée une indemnité de vie chère de 85 francs par mois mais que cette somme serait prise en compte si la commune se voyait légalement obligée d’augmenter son salaire.
Cette proposition est adoptée par 5 voix contre deux mais Robert Francq propose, plus simplement, une augmentation de 1.000 francs par an. Sans surprise, la proposition est rejetée par 5 voix contre deux.
Robert Francq se lève, annonce sa démission et quitte la salle avec son camarade René Grégoire.
L’incident ne semble pas susciter de commentaires ; en tous cas ils ne sont pas relatés dans le compte rendu du secrétaire.
La séance continue : Victor Trouillet est nommé fossoyeur en remplacement de Gustave Hautecourt démissionnaire. Il se conformera à ce tarif : enterrement à 8 heures = 22 francs ; à 9 h = 24 francs ; à 10h = 26 francs et à 11 heures = 30 francs.

M. Henrard, géomètre à Châtelet établira un projet de distribution d’eau.

Lors de la réunion du 1er mars 1922, Robert Francq ayant confirmé sa démission, Léon Hautecourt, typographe, Conseiller suppléant sur la même liste, prête serment.
Au cours de cette même réunion, il est décidé que le « conducteur » de l’horloge communale (on verra plus loin qu’il en sera de nouveau question) voit son indemnité annuelle portée à 160 francs.

L’eau : problème constant à Gougnies… Le Conseil approuve un plan de distribution, incluant l’achat de terrains, d’une vanne et l’installation d’une fontaine à l’ancien « puits Berger ».
Malgré ces investissements, le prix des raccordements baisse. Confirmation : Désiré André, Alfred Noël, Cyrille Henseval ne paieront plus que 60 francs par an. La «veuve Piret » et Eugène Daffe, 30 francs.

Des petits génies à Gougnies ? Lors de la réunion du 18 mars 1922, la commune décide de s’affilier à la branche de Binche du fonds des « mieux doués ». Une sorte de bourse d’études sans doute…

Ben
(à suivre)

(1) Une autre source qui donnera lieu à un dossier à part nous donne leurs noms. Prisonniers de guerre: Alfred André et Oscar Laffineur. Civils: Léon et Victor André, Ernest Maillien et Camille Guyaux.

Voir aussi dans cette série la première partie de cette période 1910 – 1939
et la partie 3

la période 1939-1946
et 1947-1963

ainsi que les dossiers
Heures de guerre (1)
Heures de guerre (2)
Heures de guerre (3) et
Heures de guerre (4)