14-18: la vie à Gougnies

Le dimanche 23 août 1914, tôt matin, des troupes allemandes entrent dans Gougnies, commettent des assassinats et allument des incendies. Nous avons consacré un dossier à ces faits.
Voyons maintenant quelle fut la vie des Gougnaciens sous l’occupation.

De août 1914 à novembre 1918, le courrier signé par Victor Tayenne puis Isaac Hébrant, échevins faisant fonction de bourgmestre, reflète bien quels étaient les problèmes auxquels la commune et ses habitants étaient confrontés. Ni le travail, ni les tracas, ne manquaient aux responsables de la commune : durant cette période une dizaine de documents sont expédiés chaque jour dont une bonne partie à l’une ou l’autre des autorités allemandes qui veulent tout savoir, tout régenter. Et il ne s’agissait pas de traîner : la plupart des lettres débutent par : « suite à votre demande d’hier, vous trouverez ci-joint la liste… etc. »

Ce courrier se trouve conservé aux Archives de l’Etat à Mons. Il s’agit du double des lettres émises par la commune. La reproduction, selon un procédé qui nous est inconnu, a ses limites : 100 ans après de nombreux passages de lettres sont malheureusement illisibles.

N’empêche qu’il s’agit d’une mine d’or pour la petite histoire de Gougnies.

Nous avons réalisé cinq rubriques :

1- Les personnages
2- Le ravitaillement
3- Les tracasseries
4- Les prisonniers, les tués, les incendies
5- Des précisions (sur deux sujets déjà traités ailleurs dans le site)

Ces dossiers se complètent mutuellement. Cependant, ils se recoupent également et une même information peut se trouver dans deux chapitres : cette anomalie est volontaire et a pour but de faciliter la lecture en évitant de devoir sauter d’un dossier à l’autre.

Les personnages
Civils, de Gougnies ou d’ailleurs et militaires: des noms reviennent souvent dans la correspondance de la Maison communale.

– Isaac Hébrant : échevin, bourgmestre ff. du 2 janvier 1915 au 15 avril 1919.

Isaac Hébrant, dit « le vieux fiston », élu la première fois en 1892, honoré en 1939 pour son dévouement à l’égard de la commune. L’année suivante, c’est lui qui allait planter le « chêne du Centenaire ». (Photo Collection Michel Caramin).

– Sergent Koch : c’est lui qui, manifestement, est chargé des réquisitions à Gougnies. Il établit scrupuleusement des reçus en français, comportant la valeur des marchandises emportées, par exemple, 20 kg de foin à 8 francs les 100 kilos, 50 kilos d’avoine à 22 francs les 100 kilos, 6 francs pour 2 kilos de beurre chez le fermier Noël le 10 octobre 1914 (NB : gageons que le beurre n’est pas pour les troufions allemands mais pour l’état major qui a établi ses pénates au château.
Le même jour, il emporte 18 kilos de luzerne à 10 francs les 100 kilos de chez Isaac Hébrant.
Ou encore 2 francs 43 pour de la paille et du foin chez le fermier Wauthy le 27 août 1914.
Mais aussi 150 marks pour la réquisition d’un vélocipède à Victor Grégoire le 20 octobre 1914.
A noter que dans un courrier adressé ensuite à un monsieur Haniel (voir plus loin) les 150 marks pour le vélo sont convertis en 187,5 francs. Ceci permet, par rapport au prix du kilo de beurre à l’époque (3 francs) et aujourd’hui (8 euros) d’estimer la valeur du vélo à près de 500 euros !

-l’officier Külpmann dans des documents en allemand, datés de Charleroi, semble donner accusé de réception des bons de réquisition. On ne sait si le prix du vélo a été accepté.
C’est par cet officier également que sont passés des bons de réquisition signés, non plus « sergent Koch » mais « armée allemande » établis au profit de la commune de Gougnies pour des quantités plus importantes de paille et de foin : environ 2.000 kilos dans les deux cas.

– M. Haniel «président de l’administration civile allemande en Hainaut, à Mons » reçoit, à sa demande, le 15 février 1915, un relevé des réquisitions opérées à Gougnies.

– Max Rasquin (1) « directeur de la Commission de ravitaillement à Charleroi » reçoit le 19 février 1915 une lettre de la commune le priant de réserver à Gougnies 61 kilos de semences de betteraves collet vert. Dans la suite, il recevra plusieurs demandes de ce genre pour diverses semences destinées, manifestement, aux cultivateurs.

– Mme Piret, à Bruxelles, qui est la veuve d’Adelin Piret assassiné par les Allemands six mois auparavant se voit adresser le 27 février 1915 copie d’un courrier adressé par le bourgmestre de Liège Gustave Kleyer à celui de Gougnies : « le bourgmestre de Liège a le regret de porter à la connaissance de son honoré collègue de Gougnies que le soldat Piret Maurice, du 9e de Ligne, N° 58.178 né et demeurant en sa commune est renseigné comme étant mort sur le territoire de Ougrée. Il prie son honoré collègue d’agréer l’assurance de sa considération distinguée et de présenter ses patriotiques condoléances à la famille du défunt tombé au champ d’honneur »
Isaac Hébrant ajoute ces lignes : « partageant entièrement les sentiments exprimés ci-dessus, nous vous prions, Mme Piret d’agréer l’assurance de notre parfaite considération ».
A noter que le 23 août, à l’arrivée des Allemands, Adelin Piret était déjà au courant de la mort de son fils.

Au cimetière de Gougnies, sur la dalle de la tombe d’Adelin Piret et de son père, on peut lire « Adelin Piret, conseiller provincial, officier de l’Ordre de Léopold avec liserés d’or, né à Gougnies le 19 janvier 1840, lâchement martyrisé et fusillé par les hordes allemandes le 25 août 1914 à Le Roux (Fosses). Son portrait en médaillon.
-Le colonel Hasse, Kaiserl. Deutsche Bergverwaltung, quai de Brabant N°30 à Charleroi se voit demander, le 25 février 1915, la permission de détenir à la maison communale « sous votre contrôle et sous notre responsabilité » 15 kilos de minélite en cartouches nécessaires au forage de la galerie de distribution d’eau de notre commune ». L’autorisation devra faire l’objet d’un rappel, mais sera accordée puisqu’une demande de prolongation lui sera adressée fin avril.

-Le tatillon commandant de la gendarmerie allemande à Châtelet l’oberleutnant Schulte, se fera communiquer diverses listes d’habitants de la commune.
Mais c’est aussi grâce à une de ses injonctions au bourgmestre ff. que nous savons « qu’il a été procédé le 24 août 1914 à l’inhumation au cimetière communal de huit soldats français et que la Commune ne possède aucun objet ou document pouvant établir leur identité ».
Il s’agit sans nul doute des malheureux blessés morts dans l’incendie de l’infirmerie de campagne lors de l’arrivée des Allemands à Gougnies.
-Joseph Hermant qui fut bourgmestre de 1904 à 1910 a adressé le 6 mars 1915 une lettre irritée à ses collègues conseillers communaux. En tant que président du Comité de ravitaillement de Gougnies, il y déplore que le Conseil soit passé outre de l’interdiction qu’il avait formulée de payer 2.000 kilos de pommes de terre à un fournisseur de Villers Poterie avant que celui-ci n’ait livré 2.000 autres kilos payés précédemment. Il se dit atteint dans sa dignité et démissionne de sa fonction de conseiller, mais pas de celle de président du Comité de ravitaillement, charge qu’il considère comme un devoir.
A noter qu’il démissionnera quand même (ou sera remercié) car le 17 avril suivant Max Rasquin, directeur du ravitaillement à Charleroi, recevra la liste des membres du comité de Gougnies : Albert Pirmez y est désigné comme président, J. Thibaut et Fernand Mengeot comme membres ainsi que J. Biernaux, comme secrétaire.

La carte d’exposant de Camille Hermant lors de l’exposition de 1911 à Charleroi. Il y représentait vraisemblablement la société Marmor.(Photo coll. famille Hermant)

-Paul Pastur, président du Comité de secours à Charleroi se voit adresser le 31 mars une liste de vêtements souhaités pour les nécessiteux du village.

Paul Pastur, député permanent, fondateur de l’enseignement provincial du Hainaut dont l’Université du travail à Charleroi.
– Suite aux instructions du général-major von Senden, Kreischef à Charleroi, le bourgmestre ff. informe un sous-officier (sans doute un adjoint de Schulte) que « le milicien Arthur Borbouse de cette commune, appelé à la classe 1914, y est décédé le 31 mars 1915 »

– Une lettre du 18 mai 1915 à Paul Pastur nous apprend que, du 1er août 1914 à fin avril 1915,
la commune a, sur des sommes reçues du Comité de secours, payé 2.798,25 francs de « rémunération des miliciens ».

– Il est répondu le 2 mai 1915 à une demande de l’officier du ministère public à Châtelet que « bien que les infractions soient activement recherchées dans la commune, il n’y a eu en 1915 aucun procès-verbal pour vagabondage, mendicité et combats de coqs »
Mais le 31 mai, le garde champêtre Jules Duchène signe une lettre demandant au commandant de la gendarmerie allemande de Châtelet, l’autorisation « vu l’augmentation des délits, principalement nocturnes » de porter des armes.
L’oberleutnant Schulte qui semble exiger des réponses immédiates à ses courriers n’applique pas cette règle pour lui-même car, sans réponse de sa part, une nouvelle demande est adressée, le 3 septembre, cette fois au général-major von Senden. Victor Tayenne y explique : « les délits augmentent de jour en jour dans notre commune. Cette nuit encore notre garde champêtre, aidé de deux soldats de la gendarmerie allemande de Châtelet, a surpris trois individus coupant des fils électriques. L’un d’eux a été arrêté. »
Il n’y a sans doute toujours pas de réponse puisque deux ans plus tard, le 3 août 1917 est adressée une nouvelle lettre au Kreischef. Comme on se doute qu’il est rétif à accorder une permission concernant une arme à feu on lui demande pour le garde champêtre et ses trois adjoints le droit de porter… une épée. « De nombreux délits sont commis journellement dans les champs et il est indispensable que la police soit à même de se protéger » est-il argumenté.

-Edmond Daffe est le trésorier du Comité de secours, le bourgmestre lui signe le 18 juin un reçu de 137,60 francs pour la fourniture de 86 kilos de pois et autant de haricots destinés aux chômeurs. Les personnes qui s’occupent des « magasins communaux » (NB : sans doute les stocks du Comité de secours et/ou du Comité de ravitaillement) sont : J. Biernaux, le secrétaire communal, son fils Albert, Jules Duchène le garde champêtre, sa femme et leur fille Gabrielle .

-Le 18 juin, lettre au vice-consul d’Espagne (NB : pays neutre dans le conflit) souhaitant savoir s’il y aurait à Gougnies des familles françaises privées de soutien. Réponse négative.

– Le lieutenant Schmaklfeld, à Marcinelle, est sans doute l’officier qui supervise les « revues » mensuelles des étrangers et jeunes gens à Acoz évoquées ci-après dans le chapitre « tracasseries ». Le bourgmestre lui adresse le 19 juin un document selon lequel Louise Midi et Laure Pavaux de nationalité française, habitant à Gougnies, ne pourront s’y rendre, l’une ayant des varices, l’autre devant assister son père Adolphe, impotent.
Le capitaine Staubetand, à Marcinelle également, devient major en juin 1915.

-Le baron Colmar von der Goltz dit aussi Goltz Pacha, maréchal prussien, fut le premier gouverneur général de la Belgique occupée. Il était tout puissant et, sous ses ordres, la vie des soldats allemands ne devait pas être plus gaie que celle des civils belges.
On en jugera par cet avis qui fut affiché à la Maison communale en juillet 1915 :
Avis. Nous recevons de M. le commandant de la place de Châtelet l’ordre suivant : « comme suite à l’ordre du gouverneur général en date du 16 juin 1915, il est strictement défendu de débiter dans les hôtels, restaurants, cafés et locaux publics des boissons alcoolisées aux troupes militaires allemandes. Les contrevenants seront punis d’une peine d’emprisonnement de 1 jour à 2 mois et d’une amende de 500 marks ». Signé Schulte.

Le baron von der Goltz

(1) Ingénieur agricole à Thuin, auteur de nombreux ouvrages, notamment sur l’élevage du bétail et de la volaille, la production laitière, le dressage des chiens de berger à des fins civiles et militaires.

Problème primordial : le ravitaillement

Le ravitaillement des Gougnaciens est un des soucis principaux des autorités communales, d’autant que les occupants procèdent à des réquisitions de victuailles et de fourrage.
Quelques exemples dans le courrier envoyé par la Commune :

-Le directeur des « Moulins St François à Farciennes » recevra d’Isaac Hébrant, le bourgmestre ff. quelques lettres « musclées » du type de celle-ci datée du 27 février 1915:
« Nous vous faisons remarquer que la dernière farine reçue contenait plus de son que la précédente. Nous comptons que celle que vous allez nous remettre sera meilleure sous tous rapports.
Le voiturier est chargé de prendre dans un des sacs au hasard un échantillon que nous ferons analyser. Veuillez cacheter cet échantillon en présence de l’exprès afin d’avoir toute garantie de part et d’autre ».

-Joseph Hermant qui fut bourgmestre de 1904 à 1910 a adressé le 6 mars 1915 une lettre irritée à ses collègues conseillers communaux. En tant que président du Comité de ravitaillement de Gougnies, il y déplore que le Conseil soit passé outre de l’interdiction qu’il avait formulée de payer 2.000 kilos de pommes de terre à un fournisseur de Villers-Poterie avant que celui-ci n’ait livré 2.000 autres kilos payés précédemment. Il se dit atteint dans sa dignité et démissionne de sa fonction de conseiller, mais pas de celle de président du Comité de ravitaillement, charge qu’il considère comme un devoir.

-Edmond Daffe est le trésorier du Comité de secours, le bourgmestre lui signe le 18 juin un reçu de 137,60 francs pour la fourniture de 86 kilos de pois et autant de haricots destinés aux chômeurs. Les personnes qui s’occupent des « magasins communaux » (NB : sans doute les stocks du Comité de secours et/ou du Comité de ravitaillement) sont : J. Biernaux, le secrétaire communal, son fils Albert, Jules Duchène le garde champêtre, sa femme et leur fille Gabrielle.

-Paul Pastur, président du Comité de secours à Charleroi se voit adresser le 16 mars 1915 la liste des 16 enfants de Gougnies âgés de 2 ans et moins et le 31 mars une liste de vêtements souhaités pour les nécessiteux du village. Le même jour est adressée une lettre à Max Rasquin, directeur du ravitaillement à Charleroi l’informant qu’il y a 614 « bouches à ravitailler » à Gougnies.

– Dans une lettre du 2 mars 1915 au Comité national de secours il est signalé que 15 familles du village, composées de 28 personnes sont dans le besoin, la guerre leur ayant enlevé leurs soutiens.

– En ces temps troublés il y a des maraudeurs à Gougnies mais aussi -rien de nouveau sous le soleil- des voleurs organisés, sans doute venus d’ailleurs, que le cuivre des câbles électriques attire : le 31 mars, le bourgmestre avise le procureur du Roi à Charleroi que, dans la nuit du 30 au 31 ont été volés 130 mètres de fils de l’installation électrique du village. Il y en a pour 230 kilos à 3 francs le kilo. Deux nuits auparavant, aux carrières, ce sont 1.000 kilos de câbles électriques à 4,5 francs le kilo qui avaient été enlevés ainsi que divers outils dans l’atelier du charron.

-Le 19 mai 1915, Max Rasquin, directeur du Comité de ravitaillement à Charleroi est informé que « le chiffre approximatif du nombre de volailles dans la Commune est 1.207 » (NB : on admirera la précision de… l’ « approximation ». Par ailleurs, vraisemblablement, ce recensement est-il fait dans le but d’obtenir une quantité de nourriture pour ces animaux en rapport avec leur nombre).
Le même directeur recevra quelques semaines plus tard une lettre de rouspétance parce que la quantité de pommes de terre reçue par Gougnies ne correspond pas à ce que la Commune aurait dû recevoir et qu’une caisse de harengs saurs n’a pas été livrée.
Des quotas de ravitaillement par habitant ont été fixés. C’est ainsi qu’en décembre 1917 la Commune adresse à ce Comité de ravitaillement une liste des quantités de phosphatine qui seraient nécessaires mensuellement pour les habitants appartenant aux catégories suivantes :
-vieillards âgés de plus de 70 ans : ils sont au nombre de 32 à 1 kilo pour chacun
-enfants de 3 à 5 ans : 11 à 1 kilo
-enfants de moins de 3 ans ne fréquentant pas les cantines : 4 à 1,5 kilo.
Une autre lettre est envoyée au président du comité signalant qu’un médecin a prescrit de la phosphatine au curé malade et demandant quelle suite à donner à cette demande…

La liste des bénéficiaires de Phosphatine et une publicité pour une des marques les plus connues de cet aliment tonifiant pour les enfants

– A la même époque, c’est Paul Pastur, le président du Comité de secours de Charleroi et les membres de celui-ci qui recevront une longue lettre, très vive, parce qu’un conflit attribué à des questions de susceptibilité de leur part prive les assistés de Gougnies d’une partie de leur allocations.

– La Hollande, neutre, aide les populations belges.
La Commune de Gougnies est en rapport avec un M. Bracke qui, avec MM. Vanderborght et Fernand Piette, de Bruxelles, est un des intermédiaires d’un « Comité hollandais ». La Commune lui donne le 12 mars 1915 l’autorisation de lui livrer 600 litres de « pétrole américain de première qualité qui ne pourront être réquisitionnés par les troupes de passage ou expédiés dans l’Empire pour éviter les spéculations » mais uniquement pour soulager les habitants malheureux à qui la Commune les vendra par petites quantités ».
Ce pétrole, arrivé à Rotterdam est entré en Belgique via Terneuzen. La Commune devra payer 6 centimes par litre pour « commission et frais de port ».
En juin 1917, une lettre est aussi envoyée au président du « Comité royal néérlandais pour le ravitaillement de la Belgique » le priant de bien vouloir continuer à fournir des « pains hollandais » qui sont pour la population des travailleurs un complément d’alimentation indispensable.

Confrontée à tous ces problèmes, la commune, saignée à blanc par les réquisitions, se voit en plus l’objet de sollicitations de l’occupant. C’est ainsi qu’elle informe le commandant de la gendarmerie de Châtelet que Gougnies étant plus industriel qu’agricole, « il sera impossible de fournir les œufs et le lait demandés par le commandant de la gendarmerie de Charleroi ». (NB : il doit s’agir dans ce cas d’une demande d’achat et non d’une réquisition, à laquelle la commune n’aurait pu échapper).

Tracasseries et réquisitions

Après les problèmes de ravitaillement de la population, c’est sans doute la bureaucratie allemande qui a donné le plus de soucis au bourgmestre ff. Isaac Hébrant et aux conseillers.
Les Allemands, tant civils que militaires, sont partout, veulent tout savoir, tout régenter.
Qu’on en juge : l’administration communale est confrontée aux demandes de rapports et exigences, notamment:

-de la gendarmerie allemande à Châtelineau.
-de l’oberleutnant Schulte et du sous-officier Schmid (gendarmerie allemande à Châtelet)
-de l’officier Külpmann à Charleroi.
-de M. Haniel «président de l’administration civile allemande en Hainaut ».
-du colonel Hasse, Deutsche Bergverwaltung, à Charleroi.
-du lieutenant Schmaklfeld, et du capitaine Staubetand, à Marcinelle.
-du général major von Senden et de son Zivilkomissar à Charleroi

Non contents d’avoir obtenu la liste des hommes de 17 à 40 ans, les occupants ordonnent qu’ils se présentent à des « revues » mensuelles organisées à l’école d’Acoz où ils doivent faire viser une attestation de présence. Certains Gougnaciens prennent très mal ces tracasseries : les demandes d’exemption et les absences sont nombreuses. Le ton se durcit : les communes seront tenues responsables des absences et les contrevenants auront à payer des amendes de 500 francs.
Les Allemands veulent aussi surveiller ceux qui auraient été membres de la garde civique ; c’est ainsi que nous apprenons qu’il n’y en avait pas en activité à Gougnies si ce n’est qu’à la déclaration de guerre un groupe avait été créé et « armé de bâtons ».
L’occupant exige aussi d’avoir la liste des Français, Russes, Anglais, Serbes, Monténégrins et… Japonais résidant dans la commune, y compris femmes et enfants. La liste des étrangers dressée par la commune ne comporte que des Français : ceux âgés de 15 à 70 ans devront aussi se présenter aux contrôles à Acoz.
Le 11 septembre, un avis est affiché « A l’appel, les miliciens, les membres de la garde civique et les étrangers doivent présenter, avec leur carte de contrôle, leur carte d’identité. Ceux qui ont perdu leur carte de contrôle doivent payer 3 marcs (sic). Ceux qui ont déchiré ou sali leur carte payeront 0,5 marc. Le chef de la gendarmerie Schmaklfeld. »

Quelques exemples : la liste des « anciens militaires » demandée par le capitaine Staubetand à Marcinelle comporte 47 noms. La copie est de mauvaise qualité et de nombreux noms sont illisibles. On y relève : André Emile, Bastin Joseph, Beaufays Ernest, Borbouse Alfred, Berger Edmond, Blondiaux Adolphe, Blampain Augustin, Douillet Adelin et Emile, Frédéric Emile, Grégoire Joseph, Adelin et un prénom illisible, Hautecourt Léon, Looze Charles, Massaux Jules, Ninnin Jules, Pirmez Aimé et Emile, Salmon Florimond.
Il y a aussi la liste de la levée 1912 : Bernÿ Emile et Whyame Arthur. Celle de 1913 : Daffe Oscar, Haquin Adelin et Malvaux Hector. Puis 1914 : Duchène Adelin et Victor, Gillart Joseph, Hébrant Hector, Libois Joseph et Toussaint Emile. Pour 1915 : Biernaux Albert, Grégoire Victor, Houdet Armand et Wauthy Englebert. Pour 1916 : Crame (Oswald ?), Nocent Aimé, Pouleur Arthur. Et 1917 : Frédéric Jean-Baptiste et Wauthy Gérard.

Revue Mensuelle organisée à la Commune d’Acoz
Photo Ernest Wauthy – Crédit Benoît Wauthy

Les fermes sous surveillance

Ces tracasseries concernant les personnes, sans doute considérées comme potentiellement dangereuses ou suspectes par les autorités allemandes, sont sans doute les plus contraignantes, mais il en existe d’autres dont la motivation est également très claire : si on se fait communiquer l’état des réserves de paille et de foin, si alors que l’époque des moissons approche, on demande au bourgmestre s’il y a assez de machines batteuses chez les fermiers du village, ce n’est pas par compassion pour les Gougnaciens… mais dans la perspective de réquisitions.
Le courrier envoyé à la gendarmerie allemande est éloquent à ce sujet :
– le 2 septembre 1915 : « suite à votre demande les cultivateurs ont été invités à battre l’avoine le plus tôt possible. L’estimation du rendement pour la commune est de 58.400 kilos »
– le 10 septembre : « nous sommes au regret de ne pouvoir fournir du foin : les cultivateurs n’en disposent que du strict nécessaire »
– le même jour, recensement des chevaux : chez Désiré André, 2, Alexandre Bastin 2, Adolphe Blondiaux 1, Edmond Daffe 6, Achille Demanet 1, Cyrille Henseval 1, Alfred Noël 7, Félicien Pouleur 1, Jules Thibaut 4, Isidore Toussaint 2, Fernand Wauthy 6.
– le 12 août, c’est l’ensemble du bétail qui avait été comptabilisé : Chevaux de plus de 2 ans (26) poulains (12) vaches laitières (78) génisses et bœufs (39) veaux, chèvres et moutons (65) poules et coqs (1.100) canards, oies et dindons (27) pigeons (72)
– puis il y a les terrains : les habitants de Gougnies en cultivent 43 hectares et 60 ares. Des cultivateurs de Gerpinnes, Villers Poterie et Sart-Eustache cultivent à Gougnies 5 hectares et 19 ares. Quant aux prairies, elles couvrent 96 hectares 56 ares.

– l’occupant ne s’intéresse pas qu’aux production agricoles : la commune doit prévenir les entrepreneurs et les fabriques qu’il faut livrer la liste, avec leur puissance, des machines genre bétonnières, broyeuses, élévateurs.

Au fur et à mesure que Gougnies s’enfonce dans l’occupation la pression devient plus forte :
-le 29 octobre 1915 il faut fournir la liste des fermiers avec la quantité d’avoine qu’ils ont déjà battue et celle qui reste à battre. Quinze jours plus tard suit l’inventaire définitif. Ce document nous apprend que l’occupant en avait réclamé 28.000 kilos.
Liste des fermiers :
André Désiré (857 kilos) ; Bastin Alexandre (950) ; Daffe Edmond (2.380) ; Demanet Achille (950) ; Noël Alfred (7.620) ; Thibaut Jules (2.380) ; Toussaint Isidore (2.858) Wauthy Fernand (9.530) et Henseval Cyrille (475).
Toujours dans le domaine des céréales tout qui veut apporter du grain à moudre (maximum autorisé : 50 kilos) doit être porteur d’un passavant valable entre son domicile et les moulins Jacquet à Sart Eustache ou Botte à Biesme.

Si ce n’étaient les circonstances, certaines exigences prêteraient à sourire : le 14 février 1917 Gougnies fournit une liste « en exécution de l’arrêté de M. le Gouverneur général de la Belgique relatif au relevé des objets en cuivre, étain, nickel, laiton, bronze et tombac se trouvant dans la commune ».
Suit une liste de 25 noms détaillant les objets détenus par ces familles. Les lampes à pétrole et les tiges à rideaux sont les plus fréquemment cités.
Fin 1915 déjà il avait fallu certifier au commandant de la gendarmerie qu’il ne se trouvait aucun stock de laine dans le village ni de cloche hors d’usage dans un château ou à l’église.
On notera que lors de la guerre suivante l’occupant n’eut pas la délicatesse de spécifier « hors d’usage » et vola la cloche de l’église.

Même la laine des matelas

Pour ce qui concerne la laine, l’occupant reviendra à la charge en juin 1917 : conformément à un arrêté du gouverneur général, il faut fournir le nombre de matelas et de coussins détenus par chaque famille et le poids de laine qu’ils contiennent. Pour Gougnies seuls 8 noms figurent sur la liste, pour un total de 178,5 kilos. Remarquons qu’il serait étonnant que seules huit familles du village détenaient des matelas de laine…

L’inventaire de la laine. Il y en avait 178,5 kilos en tout

Au fur et à mesure que le temps passe, la pression exercée par la gendarmerie allemande semble s’atténuer. Mais celle du Commissaire civil à Charleroi se renforce, à tel point qu’il semble qu’un fonctionnaire allemand soit affecté à la maison communale : dès juillet 1917 de nombreuses lettres et rapports en allemand figurent dans les copies de courrier.

Copie d’un rapport adressé, sans doute par un employé allemand affecté à Gougnies, au Commissaire civil à Charleroi
Et l’occupant, plus que jamais recense les biens de la commune et de ses habitants :

-septembre 1917 : liste des noyers avec hauteur et diamètre (NB : il y en a 4 , appartenant à Emile Frédéric et Albert Pirmez)
-avril 1918 : idem pour les ormes et peupliers
-juin 1918 : liste des personnes détenant des… pneus de vélo (NB : il y en a 14 détenant chacune un vélo, c’est-à-dire 2 pneus et autant de chambres à air)

Comme d’habitude, les fermiers sont particulièrement surveillés : chacune de leurs parcelles doit être recensée avec son rendement en avoine. De même pour chaque vache et la quantité de beurre fournie (NB : à qui ? Aux Allemands ou à l’organisme de la « Goutte de lait » ?) chaque semaine. Ce relevé nous apprend que le beurre valait alors 7,70 francs le kilo soit 4 fois plus qu’en 1914. La viande pour bouilli se vendait, elle, à 13 francs le kilo

Le fisc ne vous oublie pas…

Des listes encore : voici celle des maisons inhabitées au 18 septembre 1915. Les propriétaires ou locataires sont : Eugène Daffe, Achille Vassart, Adelin Heuchon, Joseph Soumillon, Jules Soumillon, Alfred Moulin, Gaspard François, Georges Soumillon, Léon Ninnin, Eugène Tichon, Eudore François, Adelin Disière, Pierre Gillain, Jules Collinet, Emile Dautrebande et Adelin Piret.
Il s’agit vraisemblablement d’habitations de personnes parties en exode. Mais les autorités d’occupation ne sont pas les seules tatillonnes et le fisc (belge) n’oublie personne : au cours du même mois de septembre, le bourgmestre doit l’informer qu’à Gougnies la population n’a reçu d’aucun des deux groupes de belligérants l’ordre de quitter le territoire. Par conséquent les personnes absentes seront astreintes à une taxe spéciale.

Les pigeons voyageurs, agents de liaison potentiels, ont été dûment recensés et immatriculés, mais encore faut-il tenir l’occupant au courant de la vie dans les colombiers. Autant de lettres à rédiger à l’attention de la gendarmerie allemande. Exemples :

– un mâle rouge de 2 ans a disparu vers le 11 avril 1915 du colombier de Louis Deprez
– un mâle rouge de 2 ans, matricule 29628, a disparu le 20 avril chez Charles Blampain
– une femelle bleue d’un an, matricule 11892 et un « écaille » femelle de un an, N° 16550 de chez Augustin Blampain
– d’autres avis semblables proviennent de chez Adelin Hautecourt, et de chez Louis Deprez encore qui, le 7 juin, signale avoir tué deux de ses pigeons.
A noter que, dans une lettre du 29 mai, adressée à Max Rasquin directeur du ravitaillement à Charleroi, il était signalé que les colombiers de Gougnies abritaient 74 pigeons. Il s’agissait sans doute d’obtenir des graines.

Monuments aux « pigeons soldats » au parc Astrid à Charleroi et au square des blindés à Bruxelles
Si l’on peut comprendre que l’occupant veuille recenser et régenter les habitants, les pigeons, les ressources agricoles, la circulation routière, il est plus étonnant de voir le président de l’administration civile allemande en Hainaut se préoccuper de savoir si la commune de Gougnies a bien opéré des retraits sur les salaires de l’instituteur Valentin Joachim et des institutrices Maria Evrard et Félicie Defrène en faveur de la Caisse des veuves et orphelins.
Ou encore le Zivilkommissar de l’arrondissement de Charleroi envoyer au bourgmestre une ordonnance de paiement de 200 francs à l’abbé Cerfeau, coadjuteur de la paroisse puis quelques semaines plus tard, de 133,33 francs au même prêtre ainsi que de 66,67 francs, à un autre coadjuteur, l’abbé Buxin…

Au chapitre des « curiosités » on relève aussi deux demandes, l’une du commandant de la gendarmerie, l’autre du Zivilkommissar : la première vise à savoir s’il y a dans la commune un bâtiment comme un hôpital, un pensionnat, un séminaire entouré de murs et apte à héberger des aliénés. On peut imaginer la tête de Victor Tayenne quand il découvrit ce courrier. La seconde demande n’est pas moins étonnante et la réponse tient en quelques lignes : non, la commune n’a adopté aucun règlement interdisant de faire de la musique ou d’organiser des jeux sur la place publique.
On peut parier que, règlement ou pas, les Gougnaciens n’avaient pas le cœur à faire la fête…

Et quand ils circulent, ils ont intérêt à faire attention. Ordre du commandant de la gendarmerie allemande de Châtelet en juillet 1915 :

« Les chariots et voitures suivant l’axe d’une route doivent le quitter au premier signe d’une automobile (…) tout véhicule portera sur le côté gauche le nom et l’adresse du propriétaire. A la tombée de la nuit le véhicule doit être muni d’une lanterne bien visible. La circulation militaire a la prépondérance sur la circulation civile ».

Les deux roues ne sont pas épargnés. Avis du Gouverneur général en Belgique en octobre suivant :

« Dans toute l’étendue du territoire, la circulation des vélos est interdite sauf dans les agglomérations et sauf exceptions : médecins, vétérinaires, fonctionnaires au service de l’administration allemande, employés, ouvriers écoliers, du domicile au lieu de travail ou l’école.
Ceux-ci doivent être munis d’un permis valable uniquement dans leur province. Les contrevenants seront punis d’amendes et de prison ».

Les prisonniers, les tués, les incendies
Certaines familles de Gougnies ont particulièrement souffert des exactions allemandes. Notamment la famille André (sans parenté avec les André actuels de la rue de Namur) : Alfred André fut prisonnier de guerre, tandis que Victor et Léon furent déportés comme prisonniers civils.
Une liste dressée en juillet 2015 comporte les noms et des renseignements sur eux.

– Alfred André était soldat au 1er régiment de Grenadiers ; il a été détenu au Gefangenlager N°3 à Munster.
– Oscar Laffineur était du 13eme régiment de Ligne et fut détenu à Oberhode, dans la province de Hanovre, au 12 Züg 36eme groupe.
Le document précise que leurs familles sont nécessiteuses. Ils ne seront libérés qu’à la capitulation allemande.
Il y eut en outre quatre prisonniers civils, tous détenus au camp de Soltau en Basse Saxe :

-Julien Léon André (marbrier, 19 ans, fils de Léon André et de Céline Vilain)
-Victor André (idem, 20 ans)
-Ernest Maillien (carrier, né en 1894, fils de Isaac Joseph Maillien et de Wauthre (?) Marie Victorine)
-Camille Guyaux (44 ans)

Plusieurs demandes de libération sont adressées aux autorités allemandes par Isaac Hébrant, le bourgmestre faisant fonction, par des membres de leurs familles et même, une, par le Commissaire civil allemand au Kreischef à Charleroi en faveur de Ernest Maillien.

Témoignage et supplique
Une lettre, sous forme de supplique, de Clémentine Cassart, veuve Guyaux, datée du 23 juillet 1915
nous donne deux informations importantes. L’une sur les heures qui précédèrent l’arrivée des soldats allemands, l’autre sur les circonstances dans lesquelles quelqu’un pouvait être arrêté.
Clémentine Cassart évoque un bombardement le 22 août, veille l’entrée des troupes allemandes et de leurs exactions.

« Le 22 août 1914, le bombardement avait eu pour conséquence la fuite de la population civile de Gougnies. Je me suis enfuie avec ma fille comme les autres. Mon père Camille Guyaux est resté seul à la maison avec son vieil oncle Jules Cassart âgé de 62 ans. A 1 heure de l’après-midi, mon fils Camille, affolé, sortit pour aller se réfugier dans le bois qui se trouve en face de la maison.

Comme il courrait, des soldats allemands l’ont arrêté et transporté en Allemagne. Le vieil oncle resté à la maison a aussi été transporté en Allemagne, mais il est revenu à la Toussaint.
Mon fils est un garçon inoffensif et n’a jamais rien fait de mal et je sollicite que la même faveur lui soit réservée comme à son vieil oncle déjà libéré.
Je déclare sous la foi du serment que ce récit est sincère et véritable. »

Dans un autre document, le même jour, elle ajoute qu’elle certifie que son fils ne prendra pas les armes contre l’Allemagne et ses alliés.

Ernest Maillien, Victor et Léon André rentreront à Gougnies le 19 octobre 1915 et Camille Guyaux le 13 novembre de la même année.

D’autres courriers ou listes nous renseignent aussi sur les civils tués par les Allemands et les militaires morts au combat.
Ces derniers sont au nombre de 4 :

-Maurice Piret (fils d’Adelin que l’on trouvera dans la seconde liste)tombé à Ougrée le 3 août
-Joseph Absil (tombé en janvier 1917)
-Joseph Marchet (ou Marchel) (tombé le 27 décembre 1917)
-Clément Deprez (tombé le 18 avril 1915)
A cette liste on a ajouté « français 8, anglais 1 » Il s’agit, d’une part des blessés brûlés vifs dans l’hôpital de fortune et de l’aviateur dont l’avion fut abattu la veille de l’armistice. Des détails figurent dans le chapitre « Précisions » ci-après.

Les victimes civiles sont au nombre de trois :
– Adelin Piret, 74 ans, dont nous relations par ailleurs le martyre
– Emile Grégoire, 60 ans
– Joseph Thiry, 84 ans

L’encre des copies a pâli…

A leur arrive à Gougnies, au matin du 23 août, les soldats allemands incendient des bâtiments, principalement des maisons d’habitation situées le long de la grand route. Dix-neuf immeubles furent ainsi brûlés à des degrés divers.
Leur inventaire est, à sa demande, envoyé le 9 juin 1915 à Emile Devreux le bourgmestre de Charleroi. Il comporte le nom du propriétaire, la valeur des dégâts à l’immeuble et aux meubles :

1- Henseval C : dégâts à l’immeuble : 8.198,95 francs ; aux biens meubles : 14.175,95 francs
2- André Emile : 4.411,69 – 3.196,20
3-Poncelet Aimé : 4.484,85 – 2.992,35
4- Berger Edmond : 2.672,00 – 2.073,75
5-François Jean-Baptiste : 585,00 – 445,50
6-Vve T. Jeanmart : 5.224,12 – pas de meubles
7-Vigneron Charles : 4.318,22 – 10270,00
8- Vve Guyaux JH : 3132,32 – 5.254,35
9- Guyaux Olivier : 2.840,32 – pas de meubles
10- SA Marmor (bureau) : 13372,44 – 55.650
11- Marmor (usine) : 34.114,40 – 10.090 ,86
12- Marmor (habitation) : 4.732,29 – 3.049,35
13- Crépin Adrien : 2.253,20 – 2.195,85
14- Maillien Ignace : meubles 5321,10
15 – Grégoire Florence et Clémentine : 23.959,15 – 5.492,03
16- Grégoire Edmond : 1.516, 59 – 1.194,00
17- Douillet frère et sœurs : 3.906,48 – 5.795,45
18- Demanet 3.238,50 – 3.830,50
19- Piret Adelin : 6.127,90 pas de meuble
Total immeubles : 111.488,37 francs ; meubles : 131.027,24 francs

L’occupant allemand ne manque pas de toupet : il s’inquiète du degré d’avancement de la reconstruction des maisons (… détruites rappelons-le par eux !) et du respect des règles d’urbanisme quant à l’alignement des bâtiments et au style des façades.
Le 25 septembre 1915, le bourgmestre ff. informe donc le Zivilkomissär de Charleroi que 13 maisons sur 19 sont reconstruites et que 6 autres le seront prochainement. Il précise que « le style architectural ayant été complètement écarté lors de leur construction, elles seront rebâties selon leur état primitif ».

Des précisions

Le courrier émis par la Commune dans l’immédiate après-guerre nous apporte des précisions sur des faits, déjà évoqués par ailleurs, concernant les soldats français brûlés dans le poste de secours au Château Piret.

Deux lettres sont envoyées par la Commune à ce sujet. La première, le 17 juillet d’une année non spécifiée, mais qui est vraisemblablement 1919, est adressée à un capitaine chargé de l’état civil des soldats français.

On y lit: « comme suite à votre lettre d’hier nous avons l’honneur de vous informer que M. le vice-consul en mission espagnol (1) à Charleroi a reçu le 30 décembre 1918 tous les objets et renseignements trouvés sur les 8 héros français carbonisés dans notre Croix Rouge le 25 août 1918 et inhumés dans notre cimetière communal ».

La seconde lettre est adressée, le 20 décembre sans doute 1919, au « Secteur de l’état-civil français, boulevard Zoé Drion à Charleroi. »
Il y est précisé que les victimes ont été inhumées dans une fosse commune (2) dans le cimetière et qu’elles n’ont pu être identifiées étant donné leur état. L’auteur de la lettre, sans doute Isaac Hébrant faisant fonction de bourgmestre, rend hommage à ces héros.

– Le cimetière de Gougnies abrite la tombe d’un aviateur anglais dont l’avion a été abattu la veille de l’armistice. Une lettre nous renseigne sur l’endroit approximatif où il s’est écrasé.

Elle est adressée en septembre, 1919, au Gouverneur de la Province.
On y lit : » Le 11 novembre 1918 un avion français monté par deux aviateurs anglais est venu atterrir sur le territoire de Gerpinnes-Fromiée. Un des aviateurs était mort dans un combat aérien et fut inhumé au cimetière de notre commune (…) Aucun autre fait concernant l’armée britannique n’est survenu en cette commune ».

On notera l’erreur de l’auteur de cette lettre: documents à l’appui, c’est le 10 et non le 11 que l’avion a été abattu. Par ailleurs, il parle d’un avion « français » : il s’agit sans doute d’un lapsus. Enfin, il évoque un combat aérien alors que pour le musée de la RAF, l’avion a été abattu par la défense aérienne alors qu’il survolait les lignes allemandes, ce qui fait plutôt penser à des tirs à partir du sol.

Une hypothèse enfin: comme la lettre précise que le crash a eu lieu sur le territoire de Gerpinnes-Fromiée et que Gougnies était vraisemblablement le village le plus proche, il est probable qu’on puisse le situer dans le bois de Scu ou non loin de là.

Ben

(1) L’Espagne était neutre dans le conflit.

(2) Après la guerre les tombes provisoires ont été rouvertes et les corps rapatriés ou inhumés dans des cimetières militaires.

Voyez aussi:

« Heures de guerre (1) »

« Heures de guerre (2) »

« Heures de guerre (3) »

« Heures de guerre (4) »

« Heures de guerre (5) »

« Emile Matteï: poilu de Gougnies »

« Les tribulations d’une cloche »

2 thoughts on “14-18: la vie à Gougnies

  • 17 février 2021 at 22 h 45 min
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    J’ai une photo d’époque de la revue mensuelle à l’école d’Acoz (cfr chapitre « tracasseries »). Je vous l’ai envoyée par courriel, l’avez-vous reçue ?

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    • 18 février 2021 at 14 h 43 min
      Permalink

      Bonjour,
      Après vérification, oui je l’ai bien reçue, elle était partie dans le dossier des spams !
      Merci beaucoup pour votre collaboration … je place immédiatement cette photo dans le dossier Ad-hoc.
      Bonne journée
      Pol Soumillon

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